Par Maitane Sebastián, auteure pour la REV
L’individu. Puis un ensemble géant d’individus. Chacun, un monde. Humain ou pas. Chaque culture, qu’il s’agisse de la tradition héritée selon sa famille, sa région, ou qu’il s’agisse de celle qui nous attire, que l’on adopte, qui vous saisit pour une mystérieuse raison et qui réveille une part de soi insoupçonnée. L’art dans la culture, le folklore ou les passions, la transmission et la création, sont autant d’élans qui caractérisent le genre Homo depuis le début. Le symbolique, la représentation, l’imagination, le rêve et le cauchemar, l’étincelle et l’endurance, nourrissent les sens et l’esprit, intriguent, questionnent, divertissent, soulagent, émerveillent ou même dégoûtent. Le vécu intime avec une œuvre lue, regardée ou écoutée, l’impossibilité de faire autrement que de créer ou d’explorer comme un chercheur tous les angles d’un objet artistique, n’est autre que l’élan de vivre qui anime nuit et jour… les enfants. Et lorsqu’on empêche les limitations et que l’on s’autorise à savourer toujours et encore, à poursuivre les (re)découvertes et l’échange culturel et artistique au-delà des années qui passent, c’est comme une part en soi qui reste éternellement jeune.
Réagir. Avoir envie, pousser la porte, partir en rêve dans un spectacle vivant, plonger au plus profond d’un récit comme d’une forme d’être “autre” indicible. Il fut un temps antique qui savait aussi bien réunir le théâtre et la philosophie, la musique et les mathématiques, la peinture et la révolte politique, comme s’il n’était nul besoin de compartimenter. Si ce n’était pas pour emmener d’autres chavirer avec soi, on pouvait donner à savoir, brandir un miroir et faire rebondir, ou tout simplement mimer la force de vie qui nous entoure de partout, en cherchant à créer, comme les jeux de rôles de l’enfance. Du chaos au fractal, du vide au plein, de l’instant à son infini « avoir été ». Bien sûr, l’humain peut être terrible et pathétique, instrumentaliser l’art et la culture, en faire une arme de domination et de propagande, et même y refléter ses aspects les plus répugnants. Et c’est en cela qu’une culture instrumentalisée est comme une maladie traitée avec des anti-douleurs ou des anesthésiants au lieu d’être soignée, privant d’expression et d’expérience culturelle libres, ou pire téléguidant des choix esthétiques de chacun, ignorant ce qui nous relie encore à l’inventivité de la Nature, aux spécificités de chacun si souvent répudiées, rendant ainsi les sensibilités encore plus vulnérables, alors proies privilégiées d’un profit extérieur.
Consommer et croître, mais pour de vrai. Non pas en termes économiques mais bien culturellement. Il faudrait avoir le choix, l’information, et bien sûr l’accès à l’expérience culturelle. Tenir compte du choix artistique de l’enfant, celui qui panse ses blessures et le console pour pouvoir grandir. Tenir compte des cœurs et de l’incompréhensible, et ne poser comme unique limite que ce qui empêche la vie ou la liberté de l’autre, et dans ce cas toujours respecter l’identification de chacun. Il me semble que seulement alors, le mirage de l’argent et l’engouement d’accumuler des possibles seraient supplantés par l’infini en chaque vécu et le bonheur de multiplier les saveurs. Tout commence à la naissance : nous sommes autant des êtres de traditions que des forces malléables et évolutives jusqu’au dernier souffle. Il se peut très bien qu’il faille commencer par l’envisager, afin que cela puisse exister. Consommer n’est pas forcément posséder, brûler, épuiser. Les mots ont souvent deux significations, et les utiliser pour ce qui nous rend vivants plutôt que pour ce qui nous éteint devrait être une obsession dans l’enseignement aujourd’hui. Confronter les multiples lectures, les frontières que l’on définit pour se ranger dans ce qui nous rassure à défaut d’avoir appris les avantages du courage artistique.
Prendre des risques savoureux d’exploration, ne pas louper le coche lorsque l’étincelle nous prend, toute la vie. Il ne faudrait pas attendre que les artistes se façonnent selon les conventions du moment, mais plutôt nous devrions laisser les arts prendre la forme de nos tripes. Une invention, une interprétation, quelle qu’elle soit, a déjà sa raison d’être du moment qu’elle est provoquée par un besoin irrépressible ou bien qu’elle invoque un besoin vivant, ne serait-ce qu’à celui qui la produit. Car elle ne laisse pas un vide vacant à ce quelqu’un, parce qu’elle expie quelque chose qui devait se mouvoir, enfin puisqu’elle empêche bien pire de se produire parfois. Interroger son esprit critique, pouvoir goûter au patrimoine tout comme avoir touché du doigt le libre cours de l’imagination : voilà de quoi oublier de se soumettre à l’industrie. Ressentir la Nature aussi, l’Art originel ; se retrouver minuscule au milieu du monde, mais tenter d’imaginer le recul insondable de la créativité, autant de mondes dans le monde. Voilà peut-être les fondements d’un savoir être humains à plusieurs sur cette Terre, de pouvoir s’empêcher à la façon de Camus au moment voulu, de parvenir à se sentir exister intègre sans la nécessité de mépriser, de dominer, d’écraser les autres.
bravo, mon cœur danse plein de joie!
bravo, mon cœur danse plein de joie!