La proposition de loi du député REV / LFI-NUPES Aymeric Caron sera débattue et votée demain à l’Assemblée. Ce texte, qui a vocation à lever les mesures d’exception autour de l’interdiction de la corrida dans quelques départements de France, pour des raisons de « traditions locales ininterrompues », est défendu par une centaine d’associations de protection animale et de personnalités publiques, ainsi que par des milliers de militants et une grande majorité de Français.

Qu’un texte pour l’abolition de la corrida soit soutenu par des animalistes, c’est attendu.

Là où nous assistons à une grande première, c’est lorsqu’une proposition de loi, qui porte a priori sur la condition animale, fait tant parler, que ce soit sur les plateaux de télévision, sur les réseaux sociaux, dans les couloirs de l’Assemblée ou encore dans les repas de famille.

On peut même dire que la PPL anticorrida, qui fait partie des 12 propositions de loi de la niche parlementaire LFI-NUPES du 24 novembre 2022, est la plus commentée de toutes (pour preuve, notamment, les 600 amendements écrits par les opposants pour y faire obstruction dans l’hémicycle).

Mais alors, pourquoi la fin de la corrida est-elle autant au cœur des débats ? Pourquoi, en pleine crise économique, sociale et écologique, ce thème est-il tant mis en lumière ?

Fin de la corrida

 

L’idée n’est évidemment pas de dire, ni de penser, que l’abolition de la corrida est plus importante que la hausse des salaires ou que la lutte contre la réforme des retraites. À la Révolution Ecologique pour le Vivant, en tant que parti antispéciste, nous sommes autant interpellés par la maltraitance des êtres humains que par celle qui concerne les non-humains. D’autres propositions de loi, telles que la titularisation des AESH ou la lutte contre la concentration des médias seront d’ailleurs présentées par le groupe parlementaire de notre député, et nous les soutenons, parce qu’elles répondent aux urgences sociales que nous traversons.

La réalité se trouve ailleurs : la PPL sur la corrida dépasse la seule question animale. Elle pose une question fondamentale, celle de notre rapport au vivant, à la morale et à l’éthique.

En effet, si la proposition de loi contre la corrida, de même que celle sur la constitutionnalisation de l’Interruption Volontaire de Grossesse présentée le même jour, apparaît autant dans le débat public ces derniers jours, c’est parce qu’elle est symboliquement très forte. Elle ouvre la réflexion sur l’évolution de l’humanité face aux connaissances scientifiques sur la sensibilité animale. Elle met les députés, et l’être humain en général, face à une question simple : en 2022, sommes-nous pour ou contre la torture sur les animaux ?

Le texte, intitulé « Un petit pas pour l’animal, un grand pas pour l’humanité » porte bien son nom, et impose une remise en question totale de ce que nous voulons être, et de ce que nous ne voulons plus représenter, en tant qu’être humain.

Abolition de la corrida

Les débats parlementaires sur la fin de la corrida mettent également les élus face à leurs responsabilités vis-à-vis de leurs électeurs.

Non seulement tous les sondages montrent qu’une grande majorité de Français s’oppose à cette pratique (87% selon le dernier sondage IFOP / Fondation Brigitte Bardot), mais en plus, les études révèlent que cette majorité se retrouve dans toutes les formations politiques, sans exception. Ainsi, l’électorat Renaissance compte 76% de personnes souhaitant l’interdiction de la corrida en France (IFOP Opinion). Les députés élus pour représenter le peuple, par la mise aux votes de cette proposition de loi, se retrouvent alors « coincés » entre une pression des lobbies taurins, minoritaires mais puissants, et le devoir de représentation imposé par leurs fonctions, face à une volonté populaire massive.

Outre la souffrance animale en tant que telle, qui a elle-seule constituerait normalement un argument anti-corrida absolument imparable dans une société dite « évoluée » (les taureaux subissent de nombreuses blessures et tortures sans anesthésie durant une vingtaine de minutes avant d’être achevés en public), d’autres questions sont suggérées par la proposition de loi anticorrida. Il s’agit notamment de mettre fin à une anomalie législative.

Car en effet, la loi ne doit-elle pas être la même pour tous les citoyens ? Comment se fait-il, dès lors, que certains départements de France bénéficient d’exceptions, pour des raisons culturelles qui s’avèrent en plus être fausses (la corrida est une tradition espagnole, et non française) ? Comment se fait-il qu’à Avignon, l’organisateur d’une corrida risquerait 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, tandis qu’à Nîmes, cette même corrida soit applaudie dans une arène, sans aucune sanction ?

Victor Azelma REV

En bref, d’un point de vue moral comme éthique, la fin des corridas, autrement dit la fin des séances de tortures sur les taureaux n’ayant pour but que le divertissement, ouvre la voie à une réflexion bien plus profonde sur l’évolution de l’humanité, et sur son rapport aux êtres vivants. Quelle que soit l’issue des votes demain à l’Assemblée, nous pourrons de toute façon nous féliciter d’avoir instillé cette question dans l’opinion publique. C’est une étape historique dans l’avancée de notre pays sur ce que nous nommons « culture », « art » ou « tradition ». C’est également une phase cruciale dans l’évolution de nos pratiques sur les animaux.

Sur les corridas comme sur l’ensemble des sujets qui nous préoccupent à la REV, le 24 novembre ne sonne pas la fin du combat, mais le début d’un autre modèle de société.

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