Par Sandra Cardot, adhérente REV région IDF et Célia Fontaine, membre fondatrice du REV

L’empathie est la capacité de s’identifier à autrui, de ressentir ce qu’il ressent. Du latin in qui signifie à l’intérieur, et du grec pathos qui signifie souffrance, l’empathie est à la fois la faculté de reconnaître les pensées et les sentiments d’autrui, et celle d’y apporter une réponse émotionnelle adaptée. 

L’empathie est souvent divisée en 4 dimensions: empathie affective (capacité d’imaginer et de partager les sentiments d’autrui), empathie morale (avoir toujours à l’esprit le bien de son interlocuteur), l’empathie cognitive (capacité à reconnaître et comprendre les émotions) et l’empathie comportementale (savoir transmettre clairement cette compréhension).

Pour Matthieu Ricard, l’empathie, terme à la mode, ne doit pas être confondue avec l’altruisme (le désir que tous les êtres trouvent le bonheur et les causes du bonheur) et la compassion (le souhait que tous les êtres soient libérés de la souffrance et de ses causes).

Peut-on éprouver de l’empathie pour les animaux non-humains?

Selon le psychothérapeute Carl Rogers, l’empathie consiste à se mettre à la place de l’autre et à tenter de voir le monde tel qu’il le voit, qu’il s’agisse de ressentis affectifs ou représentations, idées, valeurs, éthiques, etc. 

Pour les antispécistes, qui réclament une égalité de considération pour tous les animaux humains et non humains sensibles, l’empathie représente le moteur qui amène au véganisme. En se mettant à la place de l’animal qui souffre (en cage, en abattoir, dans un cirque…), l’antispéciste éprouve le besoin de redonner à l’animal non humain une situation digne et sans souffrance.

Notre empathie n’est pas seulement le résultat de notre éducation et de notre expérience, mais aussi en partie influencée par les variations génétiques.

Aux origines… une souris

C’est une souris qui va changer le reste du monde il y a environ 220 millions d’années, L’Adelobasileus. Toutes les mamans Adelobasileus vont se serrer les coudes pour protéger leurs bébés mais aussi les petits des autres. Prêtes à dégainer aux moindres signes de détresse, elles remarquaient et analysaient comme des scanners les petits sons qu’ils émettaient, leurs odeurs et bien évidemment leurs comportements. On peut dire que ces femelles mammifères ont ouvert les portes de la conscience maternelle afin de protéger leurs nourrissons sans défenses. Ceux-ci devaient être à la fois nourris, protégés et gardés bien au chaud pour qu’ils aient une chance de vivre. De siècles en siècles, de générations en générations, l’empathie va arriver jusqu’à nous autres les êtres humains.

Lorsque nous nous trouvons face à un autre être humain, nos neurones cherchent tout de suite et sans que nous n’ayons rien à faire, à se «connecter» à ceux de l’autre : c’est la mise en résonance des systèmes nerveux. Il s’agit d’une communication qui nous permet d’avoir une première impression de l’autre en un éclair, grâce à la collecte d’indices non perceptibles par nos cinq sens.

Nous sommes équipés de ces neurones qui «ressentent» l’autre,  mais aussi de neurones dits moteurs, qui ordonnent au corps tous les gestes dont celui-ci est capable. Un genre particulier de neurones moteurs a été mis en évidence dans les années 1990 : les neurones miroirs.

Les neurones miroirs

 C’est au neurophysiologiste italien Giacomo Rizzolatti que l’on doit la découverte de ces neurones  miroirs. En 1995, alors qu’il prend sa pause déjeuner à côté des singes macaques, le chercheur du laboratoire de l’université de Parme remarque qu’un son particulier se produit à chaque fois qu’il s’apprête à porter la nourriture à sa bouche. Un des singes, qui avait le crâne couvert de capteurs reliés à un puissant scanner, l’observe attentivement : le grésillement qui en ressort révèle une activité cérébrale précise de l’animal et le son retentit lorsque le scientifique s’apprête à manger.

En effet, au moment précis où l’animal voit le chercheur tendre la main vers la nourriture, son cerveau actionne exactement le même processus que s’il tendait sa propre main, mais sans qu’il ait bougé. En approfondissant son observation, Giacomo Rizzolatti met en évidence l’existence des neurones dits «miroirs» chez les singes, car ils permettraient de se voir agir à la place de l’autre, comme dans un miroir. C’est ce phénomène neurologique qui serait à l’origine d’un apprentissage «par imitation». 

Il est fort probable que ces neurones existent également chez l’homme, même si cela n’a pas été prouvé (à cause de l’impossibilité éthique de placer des électrodes intracérébrales sur un sujet humain). 

Empathie et neurones miroirs sont liés

Par l’intermédiaire des neurones miroirs, les cellules entrent en résonance avec celles de la personne ou de l’animal qui est face à nous. Cela nous permet de comprendre l’intention de ses actions et rend les émotions contagieuses. «Grâce à ce mécanisme mimétique, nous pouvons ainsi percevoir les émotions d’autrui», explique Pierre Bustany, neurophysiologiste et neuropharmacologue au CHU de Caen.

Pour certains auteurs, les neurones miroirs seraient même les promoteurs du langage : ils expliqueraient pourquoi nous parlons avec nos mains. Pour d’autres, cette faculté spontanée de percevoir ce que ressent autrui serait à la source de l’empathie.

C’est ce que suggère Joachim Bauer, professeur de médecine à Université de Fribourg : «La résonance et l’intuition restent suspectes pour nombre de nos contemporains. Mais avec la découverte des neurones miroirs, il est devenu possible de les comprendre sous l’angle neurobiologique. Sans ces cellules nerveuses miroirs, il n’y aurait ni empathie, ni intuition», explique-t-il.

Comme expliqué précédemment, notre cerveau a perfectionné un système de reconnaissance rapide : pour tirer des conclusions correctes des mouvements corporels ou de la simple apparence d’une personne face à nous, il suffit de très peu de temps, et ceci nous est possible grâce aux neurones miroirs.

C’est sans doute ce qu’il se produit lorsque nous nous trouvons face à un animal non humain. Nos neurones miroirs respectifs entrent en action et cette faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent, opère, tout simplement.

Etres sentients empathiques = Etres vivants intelligents

Faire marcher ses neurones miroirs et contribuer à les accroître dans une résonance empathique développe inévitablement l’intelligence émotionnelle. L’empathie qui à la base est une fonction de survie dans un groupe d’individus, devient un pouvoir bienveillant pour vous même et les autres. Cette performance va petit à petit se transformer en compassion pour le Vivant. 

 

Sources

-Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs (Odile Jacob, 2008)

-Boris cyrulnik, Pierre Bustany, J.M. Oughourlian, Christophe André, Thierry Janssen, Patrice Van Eersel, Votre cerveau n’a pas fini de vous étonner (éd. Albin Michel, 2012)

-Carl Rogers, La relation d’aide et la psychothérapie ( «éd.ESF, 1996 )

-Joachim Bauer, Pourquoi tu ressens ce que je ressens – La communication intuitive et le mystère des neurones miroirs, (éd. Guy Trédaniel, 2005)

Sandra Cardot a publié “Empathie et compassion – Comment développer nos super-pouvoirs”, chez Michalon, septembre 2017

Un commentaire sur “L’empathie, l’arme douce des antispécistes

  1. BarzoÏ says:

    Un point ne peut exister sans un autre point et le troisième en découlera, c’est l’arbre de vie, le signe du caducée et nous descendons tous d’une cellule unique…. L’être humain est un animal pensant et soit disant libre, il est temps de prendre vraiment notre liberté en nous connectant à notre déité.au lieu de rester prisonnier de notre primitivité. La souffrance animale est une torture permanente et cette souffrance est contraire à toute évolution possible. Je ne supporte plus la redondance criminelle et sadique de la perversion narcissique humaine, il est temps de grandir, les humains sont les enfants rois de la création, et nous subissons tous…. Assez.
    Merci à vous tous amis choisis sans vous je ne respirerai plus. Ce monde de tricherie fait de notre vie une agonie.

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