Par David Joly, co-trésorier de la REV
Un mort et deux blessés : c’est le bilan de la dernière sortie de La Futaie des Amis. C’est ainsi que s’est baptisé cet équipage de chasse à courre qui sévit dans les environs de Compiègne, au sein du département de l’Oise.
Pour rappel, cette activité consiste à poursuivre à cheval un animal (généralement un cerf) durant plusieurs heures jusqu’à ce que ce dernier soit assez épuisé pour être approché, poignardé et parfois offert à manger à la meute des chiens ayant assisté les veneurs.
Aucune utilité à trouver à cette pratique. Pas même celle d’une pseudo-régulation de la faune sauvage traditionnellement fantasmée par le monde de la chasse. Alain Drach, le maître de cet équipage, le dit lui-même : 25 cervidés sont tués par ses soins chaque année. Non, juste le plaisir de poursuivre un animal, le stresser, le fatiguer et mettre fin à ses jours.
Le mort de ce week-end est le cerf qui a été abattu au fusil au milieu de l’étang du Carandeau de Choisy-au-Bac. Exceptionnellement au fusil et non à la dague, car il était impossible pour les veneurs d’approcher l’animal en raison de la présence de militants de l’association AVA (Abolissons la Vénerie Aujourd’hui) qui ont tenté de le sauver. Les deux blessés sont à déplorer dans les rangs de cette ONG, victimes des violences des veneurs qui ont en horreur d’être filmés au cours de leurs exactions. À leurs yeux, la réalité de la chasse à courre ne doit à aucun moment être divulguée au grand public.
Des images ont tout de même pu être saisies et elles sont glaçantes d’effroi. Non pas au regard des violences verbales et physiques des veneurs à l’encontre de l’animal tué et des militants blessés. Bien que scandaleuses et inadmissibles, elles sont connues pour avoir déjà été constatées par le passé (Alain Drach s’est notamment illustré en 2017 lorsqu’il a administré de nombreux coups de fouet violents à un cerf qui s’était réfugié dans le jardin d’une maison de Lacroix-Saint-Ouen avant de l’abattre au sein de cette propriété privée) et parfois condamnées par la justice (10 à 14 mois de prison avec sursis requis à l’encontre de veneurs en 2019 pour tentatives d’étranglement et de noyade sur des opposants). Pour le coup, elles sont presque totalement occultées par le comportement ahurissant des suiveurs, ces piétons lambda qui décident d’arpenter plusieurs kilomètres afin d’assister à la traque et à la mise à mort de l’animal. Que peut-on observer sur la vidéo mise en ligne par l’association AVA ? Des individus hilares et provocateurs face à la détresse de militants ayant échoué dans leur tentative de sauvetage d’un être sensible. Et surtout cet instinct de meute qui les fait se précipiter vers la dépouille du cervidé lorsque les veneurs la traînent en dehors de l’étang, comme pour repaître leurs yeux dont l’appétit pour les visions morbides et sanglantes semble alors insatiable.
La chasse à courre ne se contente pas d’être une activité barbare envers un animal : elle a cette aptitude à faire remonter à la surface les plus bas instincts chez certains individus qui s’avèrent inquiétants et qui n’ont à aucun moment leur place au sein d’une société un tant soit peu apaisée.
Ce sont cette inutilité et ce plaisir malsain qui font certainement qu’aujourd’hui, 82 % des Français se déclarent contre la chasse à courre (sondage Ifop réalisé en août 2020 à la demande de la Fondation Brigitte Bardot). Une fois n’est pas coutume, une très grande majorité de la classe politique est totalement à contre-courant des aspirations de la société civile. Gérard Larcher, président du Sénat (et fervent chasseur), s’est ainsi engagé personnellement à œuvrer contre le référendum d’initiative partagée en faveur des animaux lancé l’année dernière au motif qu’il comprend dans ses mesures l’interdiction des chasses dites traditionnelles, donc la vénerie. Et lorsqu’en octobre 2020, feu le groupe Écologie, démocratie et solidarité emmené par Cédric Villani profitait de sa fenêtre parlementaire d’une journée pour présenter deux propositions de loi, dont l’une en faveur du bien-être animal (avec entre autres l’abolition de la chasse à courre), les partis traditionnels (Parti socialiste, Les Républicains, UDI, etc.) usèrent jusqu’à la corde leur habituelle stratégie d’entrave à l’élaboration de la loi (amendements hors sujet, prises de parole interminables, demande de suspension de séance) afin d’être certains qu’à minuit, fin officielle de la séance, pas un seul article de la proposition de loi n’ait pu être soumis au vote (ce qu’ils réussirent).
La Révolution Écologique pour le Vivant, seul parti politique revendiquant haut et fort l’abolition de la chasse, rappelle que nombre de pays ont depuis bien longtemps interdit sur leur territoire cette pratique cruelle et anachronique qu’est la vénerie : l’Allemagne depuis 1953, la Belgique depuis 1995, l’Écosse depuis 2002 et l’Angleterre depuis 2005.
Il est plus que temps que la France, à l’image de ses voisins, tienne enfin compte du plébiscite de ses citoyens en faveur du vivant et se dépare un peu de son habit de lobbycratie.